Une pomme de douche contre Poutine

Après le choc pétrolier en 1973, une campagne de pub un tantinet franchouillarde vantait les mérites de l’hexagone, pays de cocagne où on ne manquait de rien… sauf d’hydrocarbures. Un slogan entrait dans l’histoire : "En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées"

“80 millions ensemble, celui qui fait des économies d’énergie renforce l’indépendance de l’Allemagne”

Un demi-siècle plus tard, la hausse sensible des prix de l’énergie et la volonté politique de réduire aussi vite que possible la dépendance par rapport au pétrole et au gaz russe obligent à des changements radicaux et à une accélération de la transition énergétique.

Hier, le ministère allemand de l’Economie et du Climat a appelé à une mobilisation nationale pour réaliser des économies d’énergie. La campagne lancée associe syndicats et patronat. Des affiches vont inciter les particuliers mais aussi les entreprises à prendre des mesures pour réduire leur consommation énergétique.

“Chers amateurs de douches, un pommeau économique permet d’économiser 30% d’énergie pour l’eau chaude”

Baisser la climatisation, prendre le bus ou installer des panneaux solaires sur son toit : voici quelques idées promues par cette campagne.

Si les Allemands et les entreprises germaniques sont invités à faire des économies pour réduire leur propre facture mais aussi les importations, d’autres mesures (voire newsletters précédentes) ont été prises, comme dans d’autres pays, pour réduire les conséquences financières de la hausse des prix de l’énergie. Parmi elles figurent le versement de diverses prestations sociales et le billet de train à neuf Euros qui remporte un franc succès commercial. L’autre mesure suscite des polémiques à savoir la réduction depuis le 1er juin des taxes sur le carburant, une mesure voulue avant tout par le parti libéral. La baisse est de 35 centimes par litre pour le super et l’essence et de 17 centimes pour le gasoil.

Les sociétés pétrolières accusées de ne pas répercuter le rabais fiscal à la pompe (“Tankrabatt”) et d’augmenter leurs profits

La mesure avait déjà été critiquée en amont. Mais la marge plus importante que dans le passé entre les prix du marché et ceux à la pompe pour les automobilistes suscitent des polémiques. Après une baisse le 1er juin, ils ont remonté depuis. Certains estiment qu’il faut arrêter une mesure inutile prévue pour trois mois. D’autres, à gauche, défendent une taxe sur les profits des entreprises concernées, une option totalement exclue par le parti libéral (et par le traité de coalition qui rejette toute hausse des prélèvements durant la législature).

“Profiter de la vie”: une photo sur le site du ministre des Finances Christian Lindner, amateur de voitures

Du rififis au sein de la coalition tricolore

La liste des différends entre le SPD et les Verts d’un côté et les libéraux de l’autre s’allonge. Le ministre des Finances Christian Lindner, président du FDP, rejette par exemple tout nouveau paquet de mesures avant l’été pour réduire un peu plus les conséquences pour les Allemands des coûts de l’énergie en hausse alors que d’aucuns estiment qu’il faudrait un coup de pouce supplémentaire. Le même ministre s’est dit ouvert à un sursis des quelques centrales nucléaires encore en fonctionnement. Un no go pour les écologistes. Le ministre libéral des Transports a lui critiqué, contrairement à d’autres membres du gouvernement, la décision du parlement européen d’interdire les moteurs à combustion à partir de 2035. Et c’est toujours le FDP qui s’oppose aux deux autres partis de la coalition sur la politique anti-covid. Alors que le ministre de la Santé social-démocrate Karl Lauterbach réfléchit à des mesures à l’automne si la situation se dégradait, les libéraux déjà critiques dans le passé de dispositions qu’ils jugeaient excessives font de la résistance.

Sauter des repas pour lutter contre l’inflation ?

L’inflation comme ailleurs affecte le porte-monnaie des Allemands. Mais dans ce pays, la hausse des prix rappelle des traumatismes historiques dans les années 20 et après la seconde guerre mondiale. Les Allemands s’inquiètent et de plus en plus de personnes redoublent d’attention en faisant leurs courses.

16% des Allemands renoncent déjà à certains repas (“Un sur six” titre le quotidien populaire “Bild Zeitung”). 13% ne veulent pas exclure cette solution radicale.

Le vent nous libérera

La réduction de la dépendance énergétique par rapport à la Russie passe bien sûr avant tout par la réduction voire la suppression des importations de charbon, de pétrole et de gaz. Mais aussi par le développement des énergies renouvelables. Un objectif prioritaire déjà du nouveau gouvernement allemand avant la guerre en Ukraine mais dont l’actualité n’a fait que redoubler.

Le conseil des ministres doit adopter mercredi prochain un paquet de mesures pour permettre un développement plus rapide du parc éolien. Le gouvernement fédéral va imposer des objectifs chiffrés aux régions. En 2026, 1,4% de la superficie du pays devra pouvoir être utilisée pour cette énergie renouvelable (contre 0,8% sur le papier aujourd’hui et 0,5% dans les faits). Cette intervention de l’Etat fédéral s’explique par des questions de “sécurité nationale”. Les régions restent libres d’atteindre ces objectifs à leur guise. Elles peuvent aussi décider de la distance entre les éoliennes et les zones habitées sujet qui suscite des polémiques régulières.

Nix mea culpa : grande coalition Scholz/Merkel

Les conséquences de la guerre en Ukraine ont aussi leurs retombées politiques. Les critiques contre le chancelier Scholz ne tarissent pas comme l’illustre la une du “Spiegel” ce week-end.

“On les a laissé tomber ?”

Olaf Scholz rejette les critiques sur son manque de solidarité à l’égard de l’Ukraine notamment pour les livraisons d’armes lourdes. Cette semaine, le chancelier a souligné que Berlin n’agissait pas autrement que d’autres pays occidentaux et faisait beaucoup. Le chef du gouvernement allemand a dénoncé une “accumulation de fausses informations”, une référence implicite à la dernière édition du “Spiegel” qui titrait “celui qui appuie sur la pédale de frein”.

Caricature sur la politique russe d’Angela Merkel

Et Angela Merkel a brisé son silence cette semaine quasiment six mois jour pour jour après son départ du pouvoir. La chancelière est aussi attaquée et se voit reprocher d’avoir fait preuve de trop de complaisance à l’égard de Vladimir Poutine durant les seize ans qu’elle a passés au pouvoir, période durant laquelle la dépendance énergétique allemande à l’égard de la Russie s’est accrue.

voir mon papier sur l’interview d’Angela Merkel sur le site de RFI

Politique migratoire

L’Allemagne veut permettre à des personnes déboutées du droit d’asile mais qui ne peuvent être renvoyées dans leur pays et ne disposent jusqu’à présent que d’un statut précaire d’obtenir une autorisation de séjour pour une année dans un premier temps. 100 000 personnes qui vivent depuis au moins cinq ans en Allemagne pourraient bénéficier de cette nouvelle option si elles n’ont pas de casier judiciaire et respectent les valeurs démocratiques. Une solution pragmatique pour des migrants dans l’impasse mais aussi une réponse aux besoins criants en main d’oeuvre des entreprises allemandes.

Augmentation sensible des naturalisations en Allemagne en 2021 : 131 600 personnes ont obtenu la nationalité allemande l’an dernier soit une hausse de 20% par rapport à 2020. Cette augmentation s’explique avant tout par le nombre important de Syriens arrivés en 2014/2015 qui remplissent désormais les critères nécessaires à une naturalisation : une bonne maitrise de l’allemand, des revenus réguliers et normalement un séjour de huit ans. Mais cette dernière règle peut être réduite à six ans lorsque les personnes concernées ont prouvé leur volonté de s’intégrer (maitrise de l’allemand, bons résultats scolaires, diplômes, engagement social…). Cette année, le nombre de Syriens naturalisés devrait encore augmenter. Ils étaient 105 000 début 2021 à vivre depuis au moins six ans en Allemagne; ils étaient 450 000 au début de cette année.

Et oui, je suis allemand aussi depuis novembre 2004

Droit à un internet à haut débit

On se frotte les yeux. La chambre haute du parlement, le Bundesrat, a approuvé vendredi le droit des citoyens à un internet digne de ce nom. Ce qui signifie que les malheureux aux confins de la forêt noire ou du Brandebourg peuvent aussi réclamer ce droit et le cas échéant être indemnisés. Le législateur n’a toutefois pas fixé la barre trop haut histoire de se prémunir contre des plaintes trop nombreuses. Le téléchargement devra être d’au moins 10 mégabytes par seconde.

“L’Allemagne au 35è rang pour l’accès à l’internet” d’après Deutsche Welle

Comme pour la réception des téléphones mobiles, l’Allemagne est pour l’internet un pays en développement. Mais il nous reste les fax encore très prisés dans les entreprises et les administrations…

La fin de la Mannschaft ?

Que les amateurs de football se rassurent, l’équipe nationale d’Allemagne ne va pas disparaitre. Mais son petit nom, utilisé partout dans le monde, pourrait ne plus l’être par la fédération allemande de football.

Le DFB estime que l’appellation n’a pas le soutien des supporters et fait de l’ombre à d’autres équipes qui jugent ce nom arrogant. La décision sera prise en juillet avant le mondial au Qatar. Même si le terme de “Mannschaft” (équipe) devait officiellement disparaitre, son utilisation à l’étranger ne sera sans doute pas remise en cause.

Mes clichés de la semaine

A côté de chez moi, un ancien magasin de meubles désaffecté est utilisé provisoirement comme galerie. Pendant que des hipsters branchés profitent du vernissage, un SDF s’est installé devant la vitrine.

Dans la station de métro à côté (Kurfürstenstrasse), je suis tombé sur ces chaussures laissées sur une chaise. Quelle histoire nous raconte-t’elle? Y a-t’il un lien avec la prostitution dans la rue éponyme ?

Dans un registre pas si éloigné, cette affiche affirmant “Pourquoi m’a banane est-elle courbée ?”, une publicité pour un remède contre les problèmes d’érection.

Dans le métro berlinois avec le motif irrésistible de ses sièges, le breuvage national est souvent très prisé, même comme ici à 10.30 heures du matin et malgré des autocollants omniprésents qui interdisent de boire ou manger dans les transports en commun.

Une boutique ambulante de saucisses et autres frites au goût douteux. Le “Bunker Food Truck” se trouve pratiquement au dessus de l’ancien bunker de Hitler. Les marchands du temple, ou ici de l’enfer, sont partout.