Présidentielle française : german Angst
Si les Allemands en général et au-delà les médias et la classe politique observaient avec sérénité la campagne électorale française avant le premier tour, les choses ont changé depuis. La possibilité d’une élection de Marine Le Pen ce dimanche a démultiplié la couverture des médias avec une angoisse essentielle : la victoire de la candidate d’extrême-droite remettrait en cause la coopération franco-allemande et ébranlerait l’Europe.
Mon article à ce sujets sur le site de RFI Présidentielle française: l'avenir de la coopération Paris-Berlin et du projet européen inquiète les Allemands
“La France vote, l’Europe tremble” la une de ce dimanche
Alors que les responsables aux affaires s’abstiennent d’ordinaire de prendre officiellement position en faveur d’un.e candidat.e dans un pays voisin pour éviter d’être accusés d’ingérence, trois chefs de gouvernement européens dont le chancelier Scholz ont publié une tribune commune (ci-dessous dans “Le Monde”) dans laquelle ils appellent implicitement les Français à voter pour Emmanuel Macron.
D’autres responsables allemands ont pris position. Comme le président de la commission des Affaires étrangères du Bundestag et ancien ministre des Affaires européennes, le social-démocrate Michael Roth samedi matin sur Twitter : "Votez pour la liberté, votez pour l'Europe, votez pour la diversité et le respect. Votez pour Emmanuel Macron !" Le président du parti d’extrême-droite Alternative pour l’Allemagne, Tino Chrupalla, a dénoncé dans un tweet la prise de position d’Olaf Scholz estimant qu’un chef de gouvernement avait un devoir de réserve. Dans la foulée, le patron de l’AfD appelle à voter pour Marine Le Pen…
Dans le “Figaro”, des intellectuels, artistes, scientifiques et entrepreneurs allemands ont publié un appel en faveur d’Emmanuel Macron. Le texte à l’adresse des Français commence par ces mots “Vous tenez le destin de l'Europe entre vos mains.” lien vers appel
“Que se passerait-il si… Marine Le Pen était élue ?” s’interroge en une le quotidien économique
Beaucoup de médias allemands ces derniers jours ont scruté à la loupe le programme de Marine Le Pen et spéculé sur les conséquences qu’aurait son élection demain pour les relations franco-allemandes et l’Europe. Sans surprise, les collègues parlent d’un “cauchemar” qui conduirait à un Frexit sans le dire et à tout le moins à un blocage de l’Europe.
Les médias allemands analysent et dénoncent le programme pour la France de Marine Le Pen n’hésitant, pas plus qu’en France, à appeler un chat un chat (un animal qu’apprécie la candidate) comme le quotidien de gauche “Tageszeitung” ce samedi qui évoque “L’extrémiste de droite d’à côté”, un titre qui fait allusion à la banalisation du RN en France.
Le quotidien conservateur “Frankfurter Allgemeine” surprend avec une remarque qu’on attendrait plus dans un journal très à gauche. On pouvait y lire cette semaine : “A chaque élection, les Français jouent à la roulette russe avec le fascisme”. (je ne sais pas si le collègue a aussi voulu faire un jeu de mots en référence aux liens entre Le Pen et Poutine…).
La version caricature de cette remarque se trouvait cette semaine dans le quotidien berlinois “Tagesspiegel” avec “le projet de recyclage de Madame Le Pen” de Klaus Stuttmann.
L’apogée de la campagne du deuxième tour, le débat entre les deux candidats encore en lice, a bien sûr donné lieu à de nombreux commentaires. Si ces derniers voient également Macron gagnant, un malaise gagne la presse allemande. Le quotidien de centre-gauche de Munich “Süddeutsche Zeitung” écrit : “Macron parait arrogant, sa concurrente incompétente. Le président sortant évite de s'attaquer aux positions d’extrême-droite de Marine Le Pen et fait ainsi son jeu en parlant à une extrémiste sans se comporter comme il devrait le faire avec une personne ayant un tel profil. Macron participe par là de la dédiabolisation de Marine Le Pen. Trois jours avant l'élection, elle n'a pas été confrontée publiquement à son idéologie d’extrême-droite." Même tonalité dans l’hebdomadaire “Die Zeit” : "Le débat s'est déroulé de manière effroyablement paisible. Trop paisible quand on songe à ce qui est en jeu en cas de victoire de Marine Le Pen". Une remarque qui traduit bien combien en Allemagne l’ostracisme à l’égard de l’extrême-droite reste important.
La télévision publique Phoenix a retransmis le débat Macron/Le Pen mercredi soir en direct avec une traduction simultanée. D’un coup, la candidate pourtant peu amène avec Berlin parlait allemand… La même chaîne sera aussi sur le pont demain soir
Le vote des Français d’Allemagne
A l’étranger, les résultats sont souvent très différents de ceux enregistrés dans l’Hexagone. Cédric Pellen, chercheur au Centre Marc Bloch de Berlin, revient dans l’édition berlinoise du Petit Journal sur les raisons sociologiques et politiques de ces différences.
Les résultats du premier tour parmi les Français vivant en Allemagne (avec des graphiques très lisibles du “Petit Journal” ci-dessous) montrent comme en 2017 un résultat écrasant pour Emmanuel Macron avec 54%, près de dix points de plus que le score du président sortant parmi l’ensemble des Français de l’étranger. Il n’y a qu’à Berlin, ville plus à gauche et où le profil sociologique de nos compatriotes est différent, qu’Emmanuel Macron ne remporte pas de majorité absolue mais “seulement” 40%. Jean-Luc Mélenchon reste en Allemagne en dessous de son score national, sauf à Berlin où le candidat de la France Insoumise séduit un tiers des votants. On notera le bon score du candidat écologiste Jadot à l’image de la meilleure santé des verts allemands. En revanche, l’extrême-droite avec 2,6% pour Marine Le Pen comme souvent n’a aucune chance parmi les Français d’Allemagne.
“Le calme avec lequel l’Europe démarre ce week-end est surprenant. On s’accroche à l’espoir et aux sondages. Des sondages qui donnaient les Brexiters comme Trump perdants”
Le quotidien “Tagesspiegel” de Berlin ce samedi en une.
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