Pâques covid : balcon, tison, maison
Les commentaires dans les médias, les réactions des milieux politiques et d’autres acteurs ont tous été destructeurs. La énième réunion entre la chancelière Merkel et les régions hier a brillé par sa longueur record. La conférence de presse a débuté à 2 heures 30 du matin. Mais la rencontre a aussi mis en exergue les divergences de plus en plus fortes entre les protagonistes et leur incapacité de s’entendre sur des mesures claires et efficaces.
A l’arrivée, la montagne a accouché d’une souris. La prolongation des restrictions actuelles était attendue. Cafés, bars, restaurants, commerces non essentiels, clubs, lieux culturels restent fermés. Les Allemands en reprennent pour trois semaines jusqu’au 18 avril. Les mesures de sûreté décidées au début du mois sont confirmées : au-delà d’un taux d’incidence viral de 100, les assouplissements adoptés au début du mois (courses dans des magasins ou visites de musées sur rendez-vous par exemple) seront remises en cause dans les zones concernées. Mais on a déjà vu que le respect de ce tour de vis pouvait laisser à désirer alors que la lassitude gagne.
Seule nouveauté surgie comme un lapin -ou plutôt un lièvre, l’animal qui livre ici les oeufs de Pâques- du chapeau des négociateurs, un durcissement pascal. Ce long week-end compte en Allemagne deux jours fériés (le vendredi et le lundi) auxquels s’ajoute un dimanche. Le jeudi sera un jour non ouvré la semaine prochaine mais les supermarchés pourront après d’âpres négociations ouvrir le samedi pour remplir les frigos de bière et autres gigots.
Le lièvre qui livre les oeufs de Pâques a décidé comme beaucoup de se prélasser à Majorque. L’île fétiche des Allemands n’est plus une zone à risque depuis le week-end dernier. “Je me disais que je serais aussi bien ici puisque tout est fermé pour Pâques” (caricature Tomicek)
Cela n’empêche pas certains de parler de “lockdown dur” ce qui fait sourire l’observateur français. Les Allemands ne vont pas passer le week-end de Pâques dans leur bunker. Ils pourront se rencontrer (avec des limites) et sortir autant qu’ils veulent. Pas de confinement donc. Il n’y en a jamais eu d’ailleurs en Allemagne contrairement à l’affirmation étonnante de Jean Castex récemment (heureusement qu’il y a des fonctionnaires d’échange à Paris et à Berlin pour mieux comprendre les subtilités du pays voisin…). Il est recommandé ici de rester à la maison mais les attestations, les périmètres de déplacement très limités, les contrôles tatillons et autres amendes n’ont jamais été (sauf exceptions locales ou régionales) à l’ordre du jour.
Un couvre-feu national envisagé un temps par la chancellerie a vite été renvoyé lundi aux oubliettes de l’histoire. Dans ces réunions Merkel/Länder, la première ne peut que proposer; les barons régionaux disposent (et composent aussi en détricotant s’ils le souhaitent un accord laborieusement trouvé à Berlin). Mais d’un autre côté, cela aurait fait mauvais effet si Angela Merkel s’était désolidarisée d’un compromis.
Noir, impaires et manques
La barre noire (la couleur des unions chrétiennes-démocrates CDU/CSU) rapetisse de plus en plus dans les sondages. Le soutien très large de la population pour les mesures anti-covid au printemps dernier, la popularité d’Angela Merkel, la prime à l’exécutif avaient profité à plein aux conservateurs qui durant des mois étaient crédités dans les sondages de scores élevés entre 35 et 40% (32.7% aux législatives de 2017).
Mais la lassitude des Allemands face à l’absence de perspectives, les frustrations et la colère contre une campagne vaccinale poussive ou des tests insuffisants plombent les scores des chrétiens-démocrates. A cela s’ajoutent les affaires qui les frappent avec des députés conservateurs qui ont encaissé des commissions en servant d’intermédiaires au printemps dernier pour fournir des masques qui manquaient cruellement. L’image de conservateurs trop proches des milieux économiques et qui ne résistent pas aux sirènes de l’argent facile gagne du terrain. CDU et CSU avaient profité de la bonne gestion de la crise au printemps dernier contrairement aux sociaux-démocrates membres de la même grande coalition. Aujourd’hui, les chrétiens-démocrates à commencer par la chancelière et ses ministres de la Santé et de l’Economie sont perçus comme les responsables de la mauvaise situation actuelle.
L’image désastreuse donnée par les dernières négociations Merkel/régions va sans doute renforcer la décrue des chrétiens-démocrates dont la baisse dans les récents sondages (moins quatre points en une semaine) était spectaculaires.
L’Allemagne verdit
Les Verts qui faisaient avant la pandémie presque jeu égal avec la CDU/CSU dans les sondages avaient perdu depuis du terrain. Ces dernières semaines, ils reprennent des couleurs. Après leurs succès électoraux du 14 mars (voir dernière “Nouvelles d’Allemagne volume 3'“), ils ont présenté vendredi dernier leur projet de programme pour les élections générales de septembre.
“L’Allemagne tout y est” : avec le slogan genre “Chez Casto y'a tout ce qu'il faut !”, les écologistes allemands se veulent plus que jamais un parti “attrape-tout”. L’environnement reste central : l’Allemagne doit réduire en 2030 de 70% ses gaz à effet de serre par rapport à 1990 (le gouvernement vise -55%); le prix d’émission de la tonne de CO2 doit être sensiblement relevé… Mais les Verts ont étoffé leur programme économique et social s’imposant de plus en plus comme un parti central de la vie politique allemande, capable d’ailleurs de gouverner avec à peu près avec tout le monde.
Les deux dirigeants du parti vert Annalena Baerbock et Robert Habeck. Qui sera candidat/e à la chancellerie?
Le SPD a sensiblement développé et mis en avant l’écologie dans son programme mais les électeurs pourraient privilégier l’original. Le profil des sociaux-démocrates est de plus en plus difficile à cerner ce qui explique son état semi végétatif dans les sondages. A gauche, une des questions centrales à l’automne sera de savoir qui est le parti le plus important, les Verts ou le SPD. S’ils devaient gouverner ensemble, cela serait déterminant pour savoir qui emménage à la chancellerie après le départ d’Angela Merkel.
Les fondateurs de Biontech honorés
Özlem Türeci et Uğur Şahin (au centre) ont reçu vendredi des mains du président de la république Frank-Walter Steinmeier la Grand-Croix du Mérite, la plus haute distinction allemande pour leur engagement dans la recherche. Les fondateurs de Biontech ont laissé en plan leurs autres travaux en janvier 2020 pour se lancer dans la recherche d’un virus contre le covid 19. Ils sont depuis le succès de leur entreprise devenus des héros nationaux et un modèle d’intégration puisque tous les deux sont d’origine turque.
Scandales et rebellion dans l’Eglise catholique
La semaine dernière, le diocèse de Cologne a présenté un rapport très attendu sur les violences sexuelles commises durant les dernières décennies contre des mineurs. Le cardinal Woelki était sous pression car il avait décidé de ne pas publier une première étude. Il avait été accusé alors de refuser la vérité pour ne pas nuire à l’institution.
Le nouveau rapport conclut que 314 enfants -avant tout des garçons de moins de 14 ans- ont été victimes d’agressions sexuelles entre 1975 et 1998. Si le cardinal Woelki ne se voit pas reprocher de manquements, il en va autrement d’un de ses prédecesseurs et de responsables encore en fonction qui, informés, n’ont pas réagi comme ils auraient dû le faire. Certains toujours en poste dans le diocèse de Cologne ont été suspendus provisoirement. L’archevêque de Hambourg a demandé au pape de le démettre de ses fonctions.
Une partie de l’Eglise catholique allemande mais aussi des laïcs rejettent l’interdiction décidée par le Vatican des bénédictions de couples homosexuels. Des églises de Cologne notamment (voir ci-dessous) ont hissé le drapeau arc-en-ciel en guise de protestation. Au-delà, plus de 2000 prêtres, diacres, évêques et théologiens ont signé un texte rejettant la décision du Vatican. Ils exigent une remise à plat de la vision de l’Eglise catholique sur l’homosexualité. Certains diocèses en Allemagne bénissent des couples de même sexe. Le président de la conférence épiscopale Georg Bätzing s’est prononcé en leur faveur dans le passé.
#metoo : le rédacteur en chef de “Bild Zeitung” sur la sellette
Le quotidien privilégie depuis toujours le sensationnalisme, cultive les campagnes politiques, le tout avec une éthique journalistique toute particulière. Le nombre de remontrances du conseil de la presse contre “Bild Zeitung” est impressionnant.
Le journal est dirigé depuis trois ans par un rédacteur en chef qui conçoit son métier comme un combat de tous les instants (il a d’ailleurs couvert des conflits armés). Julian Reichelt polarise comme peu d’autres en Allemagne. Et fait actuellement une pause. Il s’est temporairement retiré de ses fonctions, le temps qu’une enquête tire au clair (ou non) s’il a abusé de son pouvoir au détriment de collègues féminines. Dans un long article, le magazine “Der Spiegel” titrait explicitement : “Baiser, promouvoir, virer”.
Julian Reichelt a longtemps été couvert par la direction du groupe Springer qui édite “Bild”. Mais les scandales #metoo feront-ils plier la maison d’édition craignant pour son image. Le fait qu’un fonds d’investissement américain soit désormais majoritaire chez Springer pourrait aussi plaider pour une éviction du rédacteur en chef.
L’ère Reichelt à la tête de “Bild “ a été marquée par des campagnes très agressives. L’an dernier, le quotidien a voulu remettre en cause la crédibiité du virologue reconnu Christian Drosten avant que les informations avancées ne s’avèrent erronées. Le journal a soutenu ouvertement le chrétien-démocrate conservateur Friedrich Merz, ennemi juré d’Angela Merkel, dans sa course pour la présidence de la CDU. Bild” mène jour après jour une campagne populiste contre la chancelière et dénonce à gros traits les échecs commis dans la lutte contre la pandémie.
Ku’damm 63 : le retour de la Schöllack Family
Après Ku’damm 56, Ku’damm 59, voici Ku’damm 63 : la nouvelle saison de la série de la chaine publique ZDF est sortie ce week-end. On y retrouve les mêmes protagonistes à savoir les trois filles de Frau Schöllack, l’horable directrice d’une école de danse sur l’avenue Kurfürstendamm à Berlin-Ouest. Respect des valeurs traditionnelles, apparences et bonnes manières sont de mise. Mais derrière le vernis clinquant du miracle économique de l’ère Adenauer, que de fissures. Quand Madame Schöllack dont l’école de danse a appartenu à une famille juive invite à diner une chanteuse connue qui a préféré l’exil au lieu de chanter pour Goebbels, le clash est inévitable. Un mari est homosexuel et choisit un mariage de raison pour refouler ses pulsions. Une autre fille Schöllack a été violentée par son époux, un médecin installé qu’elle fait chanter avec un enregistrement. Les femmes tentent dans cette période très conservatrice de s’émanciper du joug de la société et de leur famille. Bref, une page de l’histoire allemande à voir, sur la ZDF dans la version allemande ou peut-être bientôt avec des sous-titres comme les deux autres saisons sur Arte.
Echo et Jean-Yves
Les ministres des Affaires étrangères allemand et français se sont rencontré vendredi dernier à Berlin. Si pour le Sarrois Maas, le français est une langue proche de sa région d’origine, c’est un peu plus difficile pour le Breton Le Drian de prononcer correctement le prénom de son homologue. Lors de leurs déclarations préliminaires, on a pu constater que le ministre des Affaires étrangères français avait une version très personnelle de la façon de prononcer le prénom de son homologue.
Si vous avez vous même un doute, essayez ce lien : prononcer Heiko Maas
Oui merci Pascal !
Merci de votre lettre, à la fois informative et agréable à lire .