L'Allemagne pour neuf Euros par mois
Les sites de Deutsche Bahn et des sociétés de transports en commun ont été dépassés dans les premières heures et depuis c’est le sujet de conversation numéro un en Allemagne : “As-tu déjà acheté ton billet à neuf Euros?” “Déjà des plans pour les prochaines semaines?”
Pour réduire les conséquences financières des prix de l’énergie à la hausse, le gouvernement allemand a, comme ses homologues, adopté diverses mesures pour les contribuables. Les taxes sur les carburants doivent par exemple être réduites durant trois mois à partir de mercredi de 35 centimes par litre pour l’essence et de 17 centimes pour le diesel. Mais déjà, les hausses de prix pourraient bien être grignotées en raison de la tentation des compagnies pétrolières d’arrondir leurs marges.
Cette mesure était défendue par les libéraux. Les Verts voulaient qu’un geste soit fait pour les transports en commun. Après de longues négociations, un compromis a été trouvé sur l’introduction d’un billet mensuel de neuf Euros (en juin, juillet et août) valable pour les transports en commun partout en Allemagne ainsi que pour les trains régionaux. Depuis sa mise en vente il y a une semaine, ce billet au prix imbattable se vend comme des petits pains. La seule Deutsche Bahn en a déjà vendu 2,7 millions, un chiffre auquel il faut ajouter les ventes des sociétés de transports en commun un peu partout dans le pays.
“Nous n’avons jamais été aussi généreux. Voyager à travers l’Allemagne durant trois mois. Le billet à neuf Euros” publicité de la société allemande BVG.
Le billet n’est pas valable sur les trains à grande vitesse, les ICE et sur les Intercity. Pour de longs trajets à travers l’Allemagne, il vaut mieux ne pas être pressé si l’on ne peut donc qu’utiliser des trains régionaux. En revanche, pour de courtes distances, l’offre est allécheante, y compris pour les touristes qui peuvent découvrir le pays à un prix imbattable.
Avec le risque d’être serré comme des sardines. La Deutsche Bahn et les compagnies régionales qui n’ont pas été consultés par les responsables politiques en amont veulent s’efforcer d’améliorer le nombre de trains en circulation mais l’été pourrait être indien côté remplissage. L’Etat fédéral va indemniser les régions pour réduire leur ardoise, le manque à gagner n’est en effet pas négligeable. L’avenir dira si le pari des Verts allemands, rendre les transports en commun plus attractifs pour les accros de la voiture, sera gagné ou si le cauchemar subi dans des trains bondés provoquera une fuite des passagers.
100 milliards pour la Bundeswehr
« L’Allemagne a besoin d’avions qui volent, de bateaux qui prennent la mer et de soldats qui sont équipés convenablement ». Dans son discours au Bundestag quelques jours après l’invasion russe en Ukraine, Olaf Scholz avait surpris son monde avec une annonce qui devait rompre avec le sous-financement chronique de la Bundeswehr. Un fonds de 100 milliards d’euros devait permettre de remettre à niveau une armée sous-équipée. Le fonds doit être ancré dans la Constitution pour être pérenne, une solution qui nécessite l’accord des conservateurs pour atteindre la majorité qualifiée des deux tiers nécessaire.
Autre avantage de cette solution : le fonds ne sera pas comptabilisé dans le déficit budgétaire afin que le ministre des Finances libéral Christian Lindner puisse l’an prochain tenir une de ses promesses centrales, revenir à la règle d’or qui prévoit un déficit budgétaire pour l’Etat fédéral d’au plus 0,35% du produit intérieur brut après une pause pendant trois ans et un sévère endettement, pandémie oblige. On le voit, l’Allemagne qui plaide régulièrement pour le respect des régles budgétaires en Europe, sait faire preuve d’inventivité.
La Bundeswehr souffre d’un sous-équipement flagrant auquel ce fonds doit répondre. Mais les négociations sur les détails ont été laborieuses. Les chrétiens-démocrates contrairement aux Verts, souhaitaient que cette somme soit entièrement consacrée à des dépenses d’infrastructures militaires. De nouveaux avions de combat, des hélicoptères plus modernes, des armes diverses doivent être achetées. Cela suffira-t’il? L’Allemagne veut respecter à moyen terme l’engagement de 2% du PIB pour les dépenses militaires fixé par l’OTAN. Il faudra pour cela que le budget ordinaire de la Bundeswehr augmente. Le ministre des Finances soucieux du retour à l’équilibre budgétaire fait de la résistance.
Noir et vert, CDU et écologistes, l’alliance de demain ?
Autrefois, les choses étaient simples : pour les chrétiens-démocrates allemands, la coalition privilégiée était celle qui les associait aux libéraux du FDP, défenseurs des intérêts des milieux économiques. Une alliance qui au niveau fédéral gouverna l’Allemagne avec Helmut Kohl à la chancellerie entre 1982 et 1998.
Aujourd’hui, une nouvelle génération de chrétiens-démocrates considère que cette option n’est pas la seule et peut-être même plus la meilleure. D’abord parce qu’arithmétiquement elle permet de moins en moins souvent d’obtenir une majorité. Mais aussi parce que les questions environnementales sont devenues centrales et qu’une coalition entre les chrétiens-démocrates, traditionnels défenseurs de “l’économie sociale de marché” à l’allemande et les écologiques parait plus en phase avec la situation actuelle.
Après les deux élections régionales gagnées en Rhénanie du Nord-Westphalie et au Schleswig-Holstein, par la CDU, deux gouvernements associant ces deux partis ont de bonnes chances d’être constitués alors que d’autres options étaient envisageables. C’est la première fois qu’une telle alliance verra le jour parce qu’elle est choisie et non subie.
Quand le ministre-président de la Hesse, le chrétien-démocrate Volker Bouffier qui tire sa révérence ce mardi après douze ans avait initié une telle alliance, à l’époque contre-nature, son profil très à droite au sein de son parti lui avait permis d’imposer ce choix à une fédération chrétienne-démocrate plus conservatrice qu’ailleurs. Aujourd’hui, les esprits ont évolué.
Elections annulées à Berlin ?
C’est un des sujets de prédilection des Berlin, le mauvais fonctionnement de l’administration qui remet en cause bien des clichés sur l’organisation germanique. L’exemple du nouveau grand aéroport a dans ce registre défrayé la chronique dans le monde entier.
Berlin a été à la hauteur de sa réputation de “failed city” lors des dernières élections dans la capitale allemande en septembre dernier (pour le Bundestag et le parlement régional). Les scrutin a été entâché par de nombreuses irrégularités provoquées par un chaos dans l’organisation. Des bulletins manquaient dans certains bureaux de vote, des jeunes entre 16 et 18 ans, autorisés à voter pour la diète de la ville, ont aussi pu participer aux élections pour le Bundestag ce qui n’est (pas encore) possible etc…
Le responsable de l’organisation des élections au niveau fédéral a plaidé pour l’annulation du scrutin de la moitié des circonscriptions berlinoises. Le Bundestag aura le dernier mot. Pour les élections régionales, la cour constitutionnelle berlinoise examinera le dossier à la rentrée.
Réfugiés ukrainiens et russes : nouvelles règles
Les Ukrainiens arrivés en Allemagne depuis trois mois ont bénéficié jusqu’à présent, après leur enregistrement, des allocations dévolues aux demandeurs d’asile. A partir du 1er juin, ces personnes (350 000 aujourd’hui d’après le ministère de l’Intérieur) pourront obtenir l’aide sociale plus généreuse. Elles pourront aussi profiter des offres des agences pour l’emploi.
Si les réfugiés ukrainiens ont bénéficié dans toute l’Union européenne d’un dispositif spécial leur permettant notamment de travailler immédiatement, la situation des personnes ayant fui la Russie pour des raisons politiques était beaucoup plus précaire. Ces scientifiques, journalistes, défenseurs des droits humains bénéficiaient dans un premier temps d’un visa Schengen de 90 jours. Après cette durée, leur situation risquait de devenir très compliquée. Berlin a annoncé que des visas de longue durée pourront leur être accordés.
Un TGV Paris-Berlin fin 2023
Les députés de l’assemblée parlementaire franco-allemande ont soutenu le projet. Fin 2023, une ligne à grande vitesse doit relier en sept heures les deux capitales en passant par Francfort. Un train de nuit, exploité par les chemins de fer autrichiens ÖBB, doit également être opérationnel à partir de fin 2023.
A comme Aix-la-Chapelle, B comme Berlin
A l’avenir, on utilisera des noms de ville pour épeler des mots en Allemagne et non plus des prénoms. Ces derniers pouvaient être un peu dépassés comme César, les femmes étaient sous-représentées. Ce nouveau système remplace l’actuel que les Nazis avaient revu et corrigé en remplaçant des prénoms juifs comme Nathan par d’autres.
“Becoming Charlie”
Première sur la deuxième chaine publique allemande ZDF qui a lancé il y a une semaine la mini-série “Becoming Charlie” avec pour la première fois dans le rôle principal une personne non binaire. Avec l’excellente interprétation de la jeune actrice Lea Drinda, on comprend les troubles et les souffrances de Charlie en quête de son identité dans une banlieue de Francfort
Cet été, un grand tour de 6 semaines en Allemagne pour moi. Ça tombe bien ce billet ! Tant pis pour les sardines !