A chaque fois que la situation s’enflamme au Moyen-Orient, le conflit s’exporte dans d’autres pays avec des manifestations de solidarité avec l’une ou l’autre partie en présence. En Allemagne, la situation est particulièrement sensible en raison de la lourde hypothèque historique qui pèse sur le pays responsable de la shoah et de l’extermination de plusieurs millions de juifs sous le Troisième Reich. Un héritage qui explique une solidarité de la classe politique avec Israël comme d’une large partie de la société.
La frontière entre les critiques contre la politique d’Israël exprimées par des groupes solidaires des Palestiniens ou du Hamas et l’antisémitisme direct ou déguisé est plus que mince. Quand des synagogues sont attaquées ou que des manifestants scandent à proximité de l’une d’elles, comme mercredi soir à Gelsenkirchen, “Juifs de merde”, il s’agit bien d’un “pur antisémitisme” comme l’a dénoncé le conseil central des juifs d’Allemagne sur Twitter en relayant une video de l’incident. Rendre cette communauté responsable des actes du gouvernement israélien traduit un préjugé très courant, au-delà des groupes qui dénoncent la politique d’Israêl. Entre les lignes, les juifs ne sont pas perçus comme des Allemands, mais comme comme des citoyens d’un pays étranger. Une perception très répandue.
“Nous soutenons le peuple juif et Israël” : ce principe fait parie de la charte du groupe de presse conservateur Springer auquel appartient le tabloïd “Bild”. Une solidarité de tous les instants qui souvent exclut toute critique contre l’Etat hébreu.
Diverses manifestations de solidarité avec les Palestiniens ont été marquées par des déclarations antisémites. Des drapeaux israéliens ont été brûlés. Celui qui flottait devant le siège de la CDU à Berlin a été volé. Ces événements ont choqué et suscité de nombreuses condamnations en Allemagne. La communauté juive a demandé une meilleure protection de ses infrastructures. Ce vendredi, le porte-parole d’Angela Merkel a jugé que les tirs de roquettes du Hamas sur Israël était des “actes terroristes” et ajouté que l’Allemagne ne “tolérerait pas de manifestations antisémites” sur son sol. Des rassemblements de soutien aux Palestiniens sont organisés ce samedi entre autres à Berlin et seront suivis de près. Une manifestation de soutien à l’Etat hébreu se tiendra jeudi prochain dans la capitale allemande au pied de la porte de Brandebourg.
Elle baisse, elle baisse l’incidence
Ce vendredi, le taux d’incidence virale est repassé en Allemagne sous la barre des 100 (nombre de nouvelles infections de covid 19 pour 100 000 habitants sur sept jours). Un palier symbolique qui souligne la décrue de la pandémie ces dernières semaines (125 une semaine plus tôt). Le record durant l’actuelle troisième vague qui parait aujourd’hui brisée a été atteint le 26 avril avec 169,3; le taux le plus élevé depuis le début de la crise sanitaire a été enregistré le 22 décembre dernier avec 197.
Cette décrue a des conséquences concrètes avec des assouplissements prochains des restrictions actuelles dans de nombreuses régions. La loi adoptée après Pâques et qui permettait à l’Etat fédéral d’imposer des mesures contraignantes (notamment un couvre-feu après 22 heures) dans les zones où le taux d’incidence était supérieur à 100 va bientôt perdre de son actualité dans différents Länder. Ces dernier reprennent la main et peuvent assouplir les restrictions actuelles avec la réouverture par exemple des terrasses des cafés et des restaurants. Les clients devront toutefois présenter un test négatif pour siroter leur bière préférée. Les hôtels pourront à nouveau accueillir des touristes dans plusieurs régions à partir du week-end de la Pentecôte.
L’évolution du taux d’incidence virale depuis octobre dernier dans le quotidien “Die Welt”. Je vous recommande le compte Twitter de collègue
La campagne vaccinale progresse avec 36% de la population qui a reçu une première injection et une personne sur dix vaccinée. Plusieurs régions proposent dsormais AstraZeneca pour toutes les personnes intéressées, quel que soit leur âge. Depuis, c’est la ruée pour obtenir une injection du “vaccin maudit” dont beaucoup ne voulaient pas il y a peu. Après la météo, c’est un must dans toutes les conversations privées. On se refile les bons tuyaux des cabinets médicaux où la file d’attente est moins longue. Toute une bande de copains a ainsi procédé à une vaccination de groupe en décrochant le même après-midi une batterie de rendez-vous chez un généraliste dans un quartier périphérique de Berlin où ils n’avaient sans doute jamais mis les pieds. A Fribourg-en-Brisgau où tout un chacun pouvait se présenter sans rendez-vous dans un centre de vaccination le week-end dernier, la ruée a été impressionnante.
Prima Klima
Le succès des Verts allemands dans les sondages et l'approche des élections ont poussé le gouvernement à adopter à une vitesse record une loi sur des engagements plus stricts à moyen terme pour lutter contre le réchauffement climatique. Le texte bouclé en deux semaines a été entériné cette semaine par le conseil des ministres et doit l’être d'ici l'été par le parlement. La cour constitutionnelle avait estimé récemment que la loi de 2019 sur les engagements climatiques de l’Allemagne (et qui avait nécessité des mois de laborieuses discussions entre chrétiens et sociaux-démocrates) devait être revue d’ici fin 2022 avec des engagements sur le long terme.
La ministre de l’Environnement Svenja Schulze (SPD) présentant la nouvelle loi cette semaine
Les émissions de gaz à effets de serre devront baisser de 65% d’ici 2030 par rapport à l’année de référence 1990 au lieu de 55%. La neutralité climatique doit être atteinte d’ici 2045 soit cinq ans plus tôt. Les mesures concrètes restent à préciser mais les conséquences seront sensibles pour l’industrie lourde, le secteur automobile, les transports ou le logement. Les énergies renouvelables doivent se développer encore plus à l'avenir ; l’abandon du charbon pourrait être avancé.
Le gouvernement qui sortira des urnes à l’automne prochain devra concrétiser ces mesures et prévoir un calendrier précis. Ce dossier figurera très certainement au coeur de la campagne électorale à venir, surtout si l’amélioration de la situation sanitaire fait passer la pandémie à l’arrière-plan durant l’été. Un sondage à chaud montre en tout qu’une large majorité d’Allemands -61%- soutient des engagements plus résolus pour le climat; ils sont 28% à désapprouver de tels efforts supplémentaires.
Le SPD patine. Les Verts surévalués?
Les sociaux-démocrates tenaient un congrès virtuel dimanche dernier. Le candidat à la chancellerie, le ministre des Finances Olaf Scholz, a été confirmé par les délégués. Mais depuis sa nomination l’été dernier, le parti ne décolle pas dans les sondages. Le dernier en date ci-dessous crédite le SPD de 15% des voix. Officiellement, les sociaux-démocrates veulent croire que la campagne électorale dans quelques semaines leur permettra de reprendre des couleurs. L’objectif est de ne pas rester en deça du résultat historiquement bas de 2017 avec un peu plus de 20% des voix.
Les Verts conservent leur avance sur les chrétiens-démocrates mais elle tend à se réduire. Les sondages sur les coalitions que les Allemands privilégient pour l’automne prochain montrent par ailleurs qu’un chef de gouvernement CDU reste l’option numéro un des personnes interrogées. La prime à l’expérience pourrait donc à l’arrivée profiter aux conservateurs. Les avancées de la campagne vaccinale et la perspective de vacances à la plage cet été vont aussi faire passer la pandémie à l’arrière-plan et avec elle la grogne générale. Le sondage ARD ce matin montre que les Allemands restent mécontents de la politique sanitaire menée mais leur nombre baisse sensiblement. Une évolution qui peut profiter aux chrétiens-démocrates. Les Verts ont plusieurs handicaps : ils ont du mal à convaincre les plus âgés, un électorat toujours plus important dans un pays vieillissant. Malgré des progrès dans la partie Est du pays, leurs scores y restent sensiblement plus faibles (hormis quelques zones urbaines) qu’à l’Ouest. Et le candidat à la chancellerie des conservateurs Armin Laschet a souvent -comme Angela Merkel- été sous-estimé dans le passé.
Si vous voulez tout savoir sur la tenante du titre avant qu’elle ne quitte le pouvoir à l’automne, je vous conseille l’excellente biographie de Marion van Renterghem dont la version actualisée vient de sortir.
La couverture est disponible en plusieurs couleurs, un clin d’oeil aux vestes de la chancelière.
#liebegewinnt bénédictions pour des couples homosexuels
Alfons : un humoriste français en Allemagne
Une veste de jogging hors du temps, un énorme micro, un bloc-notes avec des questions souvent aussi absurdes les unes que les autres et un accent français à faire désespérer les profs d’allemand les plus patients : Emmanuel Peterfalvi s’est fait un nom en Allemagne avec son personnage Alfons et ses micro-trottoirs loufoques. Avec des questions comme “Les hétérosexuels doivent-ils avoir le droit de se marier?” ce reporter qui ne donne pas l’air d’avoir inventé l’eau chaude parvenait à arracher des réponses parfois irrésistibles mais aussi choquantes à des passants se “lâchant” devant ce frenchie à l’air si inoffensif.
Arrivé il y a trente ans ans en Allemagne pour effectuer ce qu’on appelait à l’époque la coopération -un ersatz pour le service militaire classique- au sein de la chaîne Premiere, Emmanuel Peterfalvi n’est plus retourné en France depuis.
Il a travaillé pour différentes émissions télévisées et dispose depuis 2006 de son propre show "Alfons und seine Gäste" sur la chaîne publique régionale SWR. On peut bien sûr aussi le retrouver sur son propre site internet.
J’avais envie depuis longtemps de vous parler d’Emmanuel Peterfalvi mais je ne trouvais pas de source permettant de le présenter dans notre langue. Je suis donc très heureux qu’un podcast en français publié cette semaine lui donne la parole sur la longueur: L'amitié franco-allemande avec le comédien Alfons
Emmanuel Peterfalvi se produit aussi sur scène. J’avais eu le plaisir à Berlin d’assister à son formidable programme “Alfons - jetzt noch deutscherer”. Une soirée très drôle mais aussi très touchante. Devenu entre-temps allemand, l’humoriste évoque dans ce spectacle son histoire familiale, son arrière-grand père gazé à Auschwitz, sa grand-mère qui y échappe de peu à la mort et à qui le programme rend hommage. Une grand-mère qui n’a jamais haï les Allemands, a même entretenu une relation d’amitié avec un gardien de camp après la guerre et qui dans le coffre-fort familial laisse un message d’espoir. Le code pour y accéder : le numéro tatoué sur son bras à Auschwitz.
Alfons est pour moi depuis longtemps comme un symbole de l'amitié franco-allemande ! Pour ceux qui maitrisent la lange allemande, je recommande (entre autres) "Alfons und die Kehrwoche" de 2008. Un classique. https://www.youtube.com/watch?v=rIqZwn0jBbw