La guerre menace, la pandémie recule
Rencontre Scholz-Poutine
La presse allemande a plutôt tiré un bilan flatteur de la manière dont Olaf Scholz a “affronté” Vladimir Poutine mardi au Kremlin. Le chancelier dont le silence sur l’actuelle crise a été critiqué au départ comme le flou de Berlin sur d’éventuelles sanctions contre le gazoduc Nord Stream 2 est désormais très présent. Il a énormément consulté avant cette visite et discuté avec des experts de la région mais aussi avec une kremlinologue hors pair Angela Merkel. Olaf Scholz est connu, comme l’ex-chancelière pour sa maitrise des dossiers et son talent de négociateur. Il ne doute pas que ses capacités prouvées avant tout sur des dossiers germano-allemands puissent lui être utiles à l’international.
“Au suivant, s’il vous plait” titrait mercredi le quotidien de gauche
A Moscou, il a clairement montré à son interlocuteur quelles conséquences pourrait avoir une attaque contre l’Ukraine par la Russie en citant cette fois expressément le gazoduc Nord Stream 2. Après les louanges adressés par Poutine à Gerhard Schröder, Olaf Scholz a pris ses distances avec l’encombrant ex-chancelier social-démocrate devenu un lobbyiste des groupes énergétiques russes : “Je ne souhaite pas commenter ici les activités privées d’un ancien responsable politique”.
Olaf Scholz a cherché des solutions pour sortir de l’impasse du format Normandie avec des accords de Minsk dont l’application piétine depuis des années. Le chancelier arrivait de Kiev avec dans ses bagages la promesse du président ukrainien que des réformes attendues depuis longtemps allaient être entreprises.
Olaf Scholz n’a pas hésité à dénoncer les persécutions contre l’ONG Memorial et a estimé que le procès contre l’opposant Navalny ne satisfaisait pas les règles de l’Etat de droit. Il a également évoqué la fermeture par les autorités russes du bureau moscovite de la radio-télé Deutsche Welle en réaction à une interdiction prise par le régulateur germanique de l’audiovisuel du programme en allemand de la chaîne russe RT. Scholz a lancé une pique contre la longévité politique de Vladimir Poutine en estimant que durant sa présence à la chancellerie, l’Ukraine ne deviendrait certainement pas membre de l’OTAN. “Je ne sais pas combien de temps le président compte rester au pouvoir. J’ai l’impression que ça pourrait durer encore un moment, mais pas éternellement”. Le tout avec un sourire à la Schtroumpf pour reprendre l’expression du ministre-président bavarois Markus Söder qui n’avait pas appréciée une remarque chafouine du chancelier.
Clin d’oeil : un tube indémodable du Schlager allemand "Moskau" du groupe Dschinghis Khan
Vie politique
-réélection dimanche dernier de Frank-Walter Steinmeier pour un deuxième mandat : le très populaire président de la république était soutenu par une large coalition (sociaux-démocrates, verts, libéraux, chrétiens-démocrates) et a recueilli les trois quarts des voix au sein de l’assemblée qui se réunit tous les cinq ans pour désigner le chef de l’Etat. Dans son discours après sa réélection, Frank-Walter Steinmeier a dénoncé clairement la « responsabilité » de Moscou dans la crise actuelle entre la Russie et l'Ukraine. « J'en appelle au président Poutine. Desserrez le nœud coulant autour du cou de l'Ukraine et cherchez avec nous une solution pour sauvegarder la paix en Europe. Le danger d'un conflit militaire, d'une guerre dans l'est du continent nous menace. La Russie en porte la responsabilité. »
Liste des présidents de la république depuis 1949
-Friedrich Merz sur les traces de Merkel : le nouveau président de la CDU a été élu cette semaine à la tête du groupe parlementaire commun de son parti et du mouvement frère bavarois CSU au Bundestag. Il a mis sur la touche son prédécesseur qui serait volontiers resté en place. En 2002, une certaine Angela Merkel, à la tête du parti chrétien-démocrate, s’était imposée à la direction du groupe parlementaire conservateur au détriment d’un certain… Friedrich Merz.
-sondage : comme dans d’autres études d’opinion, les conservateurs sont redevenus le premier parti allemand devant les sociaux-démocrates même si le SPD dans ce sondage ARD regagne deux points.
-la cheffe de Greenpeace nommée secrétaire d’Etat au ministère des Affaires étrangères: Annalena Baerbock a réussi un coup politique en présentant la semaine dernière sa nouvelle « représentante spéciale pour la politique internationale sur le climat ». Jennifer Morgan prendra ses fonctions le 1er mars. Elle sera officiellement secrétaire d’Etat dès que sa naturalisation demandée avant le changement de gouvernement en Allemagne aura été approuvée. Annalena Baerbock a déclaré en présentant l’activiste américaine installée à Berlin depuis près de vingt ans : « Je ne connais personne au monde qui dispose d’une telle expertise, d’un tel réseau et d’une telle crédibilité. Jennifer Morgan est la personne rêvée pour ce poste et un symbole important pour la défense de l’environnement dans le monde. »
-la présidentielle française vue d’Allemagne : c’est le thème du nouveau "Podkast"de ma collègue Hélène Kohl que je vous recommande chaudement. En passant, je vous informe à l’avance que la société allemande pour la politique étrangère DGAP et le
club de RFI Berlin organiseront ensemble le 23 mars prochain une discussion réunissant différents responsables politiques allemands qui analyseront le bilan d’Emmanuel Macron.
Covid : levée progressive des restrictions
La une du quotidien “Frankfurter Allgemeine” jeudi (ci-dessous) fleurait bon le printemps et l’espoir. Une souris pointe le bout de son nez dans cette fraiche tulipe. Mercredi, la conférence qui réunissait à nouveau Olaf Scholz et les dirigeants des Länder a présenté des mesures attendues en faveur d’une levée progressive des restrictions covid. L’Allemagne est restée jusqu’à présent plus prudente que d’autres pays.
Les experts l’affirment. Le pic de la vague Omicron est derrière nous. Dans un premier temps, il ne sera plus nécessaire de présenter son passe vaccinal et une pièce d’identité pour faire du shopping (cela n’a jamais été nécessaire pour les supermarchés notamment). Mais le port d’un masque FFP2 sera requis en raison de la meilleure protection qu’il propose.
Début mars, les mesures seront allégées pour les restaurants et les bars. Les discothèques et les clubs pourront rouvrir mais il faudra être vacciné ou guéri et présenter un test rapide pour y entrer. Les personnes trois fois vaccinées n’auront pas besoin de se faire chatouiller le museau.
La troisième étape coïncidera avec le printemps. Le 20 mars, la plupart des restrictions disparaitront (sauf dégradation de la situation sanitaire) mais le port du masque restera en partie obligatoire.
“Super, la vague se retire “ (Omicron bien sûr)`
Les deux tiers des Allemands approuvent ces mesures dans un sondage ARD de ce vendredi. Un quart d’entre eux ne les juge pas appropriées.
Obligation vaccinale : l’Arlésienne berlinoise ?
Une obligation vaccinale pour le personnel médical votée à l’automne dernier entre en vigueur à la mi-mars. Celle, générale celle-ci, voulue par le gouvernement met du temps à voir le jour et l’on peut se demander si les atermoiements actuels ne vont pas déboucher vers un enterrement discret de la réforme. D’autant plus que tout retard rend le projet moins populaire avec la décrue à attendre au printemps de la pandémie.
Le gouvernement ne présente pas de projet de loi. Olaf Scholz se cache derrière la liberté de conscience des députés à qui il revient de faire des propositions. Mais le chancelier a un problème interne à sa coalition qui explique cette démarche : un nombre important de députés libéraux s’opposent à une telle obligation; le chancelier n’a pas de majorité pour un projet de loi instaurant une obligation vaccinale généralisée.
Plusieurs propositions émanant des parlementaires ont été présentées ou doivent l’être. L’une d’elles rejette toute obligation vaccinale. L’extrême-droite demande même qu’on mette fin à l’obligation déjà votée pour le personnel médical. Une proposition soutenue notamment par Olaf Scholz plaide pour une vaccination obligatoire de tous les adultes de plus de 18 ans. Une autre plus soft prévoit d’abord une rencontre avec les personnes non vaccinées pour tenter de les faire changer d’avis. Ensuite, une obligation serait introduite pour les adultes de plus de 50 ans. Les chrétiens-démocrates veulent qu’une telle mesure soit votée mais n’entre en vigueur que si la situation se dégrade.
Economie
-Christian Lindner, austérité et flexibilité : le nouveau ministre libéral des Finances a été perçu comme un chiffon rouge favorable au strict respect de l’équilibre budgétaire et de l’austérité par ceux qui espèrent une réforme des critères de Maastricht. Lundi dernier, Lindner a plaidé avec son collègue autrichien pour une baisse de l’endettement en Europe et pour une plus grande stabilité budgétaire. Le ministre a nommé l’économiste Lars Feld comme conseiller; il est considéré comme le père de la règle d’or en Allemagne donc comme un partisan de la stabilité budgétaire. Reste que les déclarations de Lindner en faveur des critères de Maastricht ne signifient pas que toute évolution soit exclue. D’abord, une réforme de ces règles est irréaliste car elle implique une révision des traités qui requiert une unanimité illusoire en Europe. Et ces règles ne sont de toute façon plus vraiment respectées et sans conséquences depuis longtemps. Une solution pragmatique pourrait consister en fixant pour chaque pays, en fonction de sa situation propre, des objectifs à moyen terme taillés sur mesure.
Christian Lindner/ministère des Finances
-record des exportations allemandes en 2021. Cette hausse de 14% par rapport à 2020 peut surprendre alors que l’économie de nos voisins comme d’autres est confrontée à des problèmes d’approvisionnement pour la fabrication des produits made in Germany. D’après les experts, il ne s’agit pas seulement d’un effet de rattrapage par rapport à 2020. Ces bons chiffres vont au-delà et soulignent la capacité de l’économie allemande de s’adapter à la conjoncture internationale
-L’inflation a pour la deuxième année consécutive conduit à une baisse réelle des salaires en Allemagne en 2021 (-0,1%). L’augmentation de l’inflation explique ce phénomène. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les experts s’attendent à une évolution similaire cette année. L’institut de conjoncture IFO a ainsi relevé sa prévision d’inflation pour 2022 de 3,3% à 4%. Les syndicats vont certainement exiger des hausses de salaires plus importantes pour compenser la hausse des prix et la perte de pouvoir d’achat. Les entreprises pourraient répercuter ses coûts supplémentaires ce qui alimenterait une spirale inflationniste.
La mort d’une légende
“Tonton qui bat des ailes” ou “chocolat volant” : deux des surnoms de l’Américain Gail Halvorsen. Le pilote avait participé lors du blocus de Berlin-Ouest par les Soviétiques entre 1948 et 1949 au gigantesque pont aérien mis en place par les Alliés pour ravitailler la partie occidentale de la ville. Gail Halvorsen avait été le premier pilote à larguer des friandises avec des parachutes qu’ils avaient bricolés pour les enfants. Une initiative reprise ensuite par beaucoup d’autres. Elle symbolise, avec le pont aérien lui même, comment les ennemis d’hier devinrent des Alliés.
Le quotidien berlinois rend hommage à Gail Halvorsen : “Il restera pour toujours notre héros”
Gail Halvorsen vient de mourir à l’âge de 101 ans. Il y encore trois ans, il était revenu à Berlin pour les cérémonies commémorant le 70ème anniversaire de la fin du blocus aérien de Berlin-Ouest. Un déplacement précédé par d’autres et qui ont contribué à sa popularité dans la capitale allemande. Gail Halvorsen avait commandé dans les années 70 l’aéroport de Tempelholf, là même où les avions alliés atterrissaient durant le blocus. 277.000 vols permirent de ravitailler Berlin-Ouest. 78 personnes perdirent la vie durant ces opérations.
Un monument rappelle cette page d’histoire. Il se trouve devant l’aéroport de Tempelhof à Berlin mais aussi à Francfort et près de Hanovre d’où partaient les trois couloirs aériens. Il symbolise aussi les trois alliés occidentaux et les trois aéroports de Berlin-Ouest utilisés à l’époque : Tempelhof en secteur américain, Tegel en secteur français et Gatow pour les Britanniques.
Gaspacho ou Gestapo ?
Grosse bourde de l’élue républicaine de Géorgie qui dans une interview a attaqué la présidente démocrate de la Chambre des représentants et reproché à Nancy Pelosi d'utiliser les policiers du Capitole pour espionner des parlementaires : «La police du gaspacho de Pelosi espionne les membres du Congrès”. Des propos qui ont provoqué un shitstorm mais aussi inspiré le net.
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