Les récentes inondations qui ont frappé l’Allemagne auront-elles un impact sur les élections générales du 26 septembre? Il est encore difficile de dire dans quelle mesure ce drame influencera le scrutin. Les sondages réalisés après la catastrophe ne montrent pas d’évolutions spectaculaires. Dans cette étude d’opinion pour la chaîne ARD publiée ce vendredi, les chrétiens-démcorates gagnent un point et les Verts en perdent un. Les débats autour de l’influence du réchauffement climatique sur les récentes inondations auraient pu profiter aux écologistes pour lesquels ce sujet reste central. Cela n’est pas le cas.
Les responsables politiques ont dû ces derniers jours marcher dans la boue mais aussi sur des oeufs pour trouver la juste mesure dans leurs réactions : ne pas être présents sur le terrain risquait d’être perçu comme un manque d’empathie pour les sinistrés; en faire trop pouvait à l’inverse être considéré comme une récupération à des fins bassement politiciennes du drame subi par les victimes des inondations.
Ces crises profitent traditionnellement -sauf erreurs grossières- à l’exécutif qui est aux manettes et doit orchestrer les aides. La candidate à la chancellerie des Verts Annalena Baerbock a choisi la carte de la discrétion. Elle s’est rendue sur le terrain mais sans les médias pour ne pas prêter le flanc aux critiques alors qu’elle est déjà sur la défensive. Pour le candidat chrétien-démocrate à la chancellerie Armin Laschet, la situation était plus confortable puisqu’il dirige une des régions -la Rhénanie du Nord Westphalie- frappée par les inondations. Il était donc logique qu’il soit sur le terrain aux côtés de ses administrés.
Les images montrant le jovial Armin Laschet plaisantant avec d’autres personnes alors que le président de la république Frank-Walter Steinmeier exprimait à quelques mètres de là sa compassion aux victimes des inondations ont provoqué un énorme buzz et de nombreuses critiques contre le candidat à la chancellerie de la CDU.
La gestion de cette crise par le ministre-président de Rhénanie du Nord Westphalie n’a pas fait l’unanimité. 26% des Allemands estiment qu’il est un bon gestionnaire en cas de catastrophe, un score des plus faibles. Son manque d’engagement en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique est revenu sur le devant de la scène alors que ce dossier après des inondations inédites domine à nouveau l’actualité. Armin Laschet, élu sans gloire à la tête de la CDU en janvier et secoué par le conflit avec le Bavarois Markus Söder dans la désignation du candidat à la chancellerie chrétien-démocrate, espérait que les dernières semaines avant les élections resteraient paisibles. Il n’en est rien. La blagounette du candidat a fait remonter à la surface des critiques contre un responsable qui ne serait pas aussi souverain qu’une Angela Merkel dans les périodes de crise ou aussi “généralissime” durant une catastrophe naturelle comme le social-démocrate Gerhard Schröder lors d’autres grandes inondations en 2002 (elles coïncidaient également avec une campagne électorale).
Ces faiblesses n’ont pour l’instant pas eu de conséquences dans les sondages pour les chrétiens-démocrates alors que les soucis de la candidate verte ont sévèrement nui à son image et aux intentions de vote en faveur des écologistes. Alors que les critiques contre Armin Laschet ont fusé ces derniers jours et que de nombreux Allemands jugent que la candidate écologiste à la chancellerie n’a pas l’étoffe de cette fonction, le troisième homme se veut toujours optimiste sur ses chances. Olaf Scholz, le ministre des Finances social-démocrate et candidat de son parti à la chancellerie, fort de son image de responsable expérimenté, ne cesse de répéter que l’élection se décidera dans la dernière ligne droite. Objectif pour le SPD : arriver le 27 septembre en deuxième position devant les Verts pour former une coalition avec ce parti et les libéraux.
Merkel, la 29ème
La reine des crises -elle a dû en gérer de nombreuses en seize ans- s’est produite ce jeudi pour la 29ème fois devant la Bundespressekonferenz à Berlin. Le célèbre mur bleu est un habitué des journaux télévisés allemands. Dans cette salle de presse (le bureau de RFI est dans le même bâtiment), une association de journalistes parlementaires accueille trois fois par semaine le porte-parole de la chancelière et ses homologues des différents ministères. Une fois par an en moyenne, Angela Merkel est l’invitée de cette organisation. C’est là qu’en 2015 elle prononça sa fameuse phrase “Nous avons réalisé tellement de choses dans le passé; nous y arriverons” (“Wir schaffen das”) pour évoquer l’arrivée massive et la prise en charge de réfugiés.
Ce jeudi, lors de sa probable dernière prestation dans cette salle, l’heure était aux bilans. Comme d’habitude, Angela Merkel s’est peu livrée sur ses sentiments personnels et son avenir. Elle a été interrogée de nombreuses fois sur le climat, le sujet central du moment.
La chancelière a rejetée les critiques sur un bilan qui serait insuffisant en la matière. Elle a rappelé que lorsqu’elle est devenue chancelière en 2005, la part des énergies renouvelables en Allemagne était de 10% contre quatre fois plus aujourd’hui, que les émissions de CO2 avaient baissé de 20% entre 1990 et 2010 et d’autant durant la dernière décennie. Angela Merkel a toutefois reconnu que ces progrès étaient insuffisants.
Elections du 26/9 : les bulletins s’allongent
Les électeurs allemands disposent pour les législatives de deux voix. La première (colonne de gauche ci-dessous avec une certaine “Dr. Merkel, Angela”) est destinée à la désignation d’un.e candidat.e dans une circonscription. La personne arrivée en tête est élue. La deuxième voix permet de choisir entre différentes listes de partis politiques.
L’offre cette année sera pléthorique et battra tous les records avec 53 mouvements politiques en lice (34 en 2013, 42 en 2017). Bien sûr, les partis connus et représentés aujourd’hui au Bundestag car ayant dépassé la barre des 5% figureront sur ce long bulletin : CDU et CSU, SPD, FDP, Linke, Verts et AfD. Mais aussi le parti du jardin ou du hip-hop, le mouvement européen Volt ou le parti néo-nazi NPD.
Des élections régionales auront lieu parallèment dans deux Länder. A Berlin, les électeurs devront désigner également leur parlement régional et les conseils d’arrondissement sans oublier un referendum d’initiative populaire sur l’expropriation de grandes sociétés immobilières.
Un peu moins d’eau dans le gaz entre Washington et Berlin
Le gazoduc Nord Stream 2 qui relie la Russie à l’Allemagne sous la Baltique empoisonne depuis des années les relations entre Berlin et Washington. Les Etats-Unis critiquent la dépendance énergétique de l’Europe à l’égard de Moscou et un projet qui remet en cause pour eux les droits de transit sur le gaz russe dont profite l’Ukraine.
Un accord a finalement été trouvé entre l’Allemagne et les Etats-Unis cette semaine. Il est le résultat de longues négociations qui n’avaient pas pu aboutir avant la visite la semaine dernière d’Angela Merkel à Washington. Les Etats-Unis renoncent à des sanctions contre le projet et les entreprises qui y participent et abandonnent de facto leur résistance tout en continuant à critiquer le gazoduc. Pour l’administration Biden, les conséquences d’une détérioration des relations avec Berlin étaient trop importantes alors que Washington a besoin sur d’autres dossiers de son traditionnel allié allemand. Mais il faudra encore convaincre le Congrès.
Dialogue Poutine-Merkel dans une caricature de Klaus Stuttmann dans le “Tagesspiegel”
En échange, Berlin qui peut se satisfaire d’obtenir que le gazoduc déjà terminé à 98% soit achevé bientôt, s’engage à soutenir Kiev. L’Allemagne doit négocier pour obtenir que les droits de transit pour le gaz russe à travers l’Ukraine soient étendus au-delà de 2024. Berlin doit aussi créer un fonds vert pour soutenir la transition énergétique en Ukraine. Si Moscou traine des pieds, des sanctions contre la Russie pourraient être prises.
L’accord a été accueilli avec soulagement en Allemagne, surtout parmi les milieux d’affaires. Les observateurs y voient pour certains une victoire diplomatique de Merkel, d’autres un cadeau offert à Vladmir Poutine.
Covid : vaccinations et quatrième vague
Lors de sa conférence de presse hier, Angela Merkel a encore une fois plaidé auprès de ses concitoyens pour la vaccination contre le covid 19. Le rythme ralentit alors que le variant Delta s’impose et qu’une hausse importante des infections n’est pas exclue. 60% de la population est primo-vaccinée; près de la moitié l’est complètement.
Le ministre de la Santé Jens Spahn a estimé qu’une incidence de 800 cas pour 100 000 habitants sur sept jours en octobre ne pouvait être exclue. Après une baisse à 4.9 au début du mois, ce taux a augmenté à nouveau depuis pour atteindre 13.2 ce vendredi.
La priorité est donc de convaincre les indécis des bienfaits de la vaccination au plus vite. L’Allemagne, plus tardivement que d’autres pays, offre lentement d’autres options que les cabinets médicaux et les centres de vaccination comme récemment à Berlin sur un parking Ikea. La capitale allemande prévoit en août une nuit électro dans un ancien entrepôt de bus reconverti en salle de concerts (et depuis quelques mois en centre de vaccination). Les visiteurs pourraient danser sur la musique des DJ’s et se faire vacciner au passage.
Comme ailleurs, la pression va et doit monter contre les personnes non vaccinées : les tests rapides aujourd’hui gratuits et nécessaires pour différentes activités pourraient devenir payants; des tour operators ne veulent accueillir à partir de l’automne que des personnes vaccinées ou guéries dans leurs hôtels.
Voitures électriques : toujours plus
Les constructeurs allemands passent la vitesse supérieure. Volkswagen, pionnier en la matière, veut d’ici quatre ans être le leader mondial sur ce marché et détrôner Tesla. La firme de Wolfsburg veut d’ici 2030 qu’un véhicule sur d’eux de VW vendu sur le marché mondial soit électrique. Daimler veut atteindre ce but pour ses propres ventes d’ici quatre ans et annonce la fin du moteur classique d’ici la fin de la décennie. Un virage radical pour le constructeur de Stuttgart qui a mis plus de temps que ses concurrents pour opter pour un changement radical de sa stratégie industrielle.
Centre Prusse
Le titre de l’article du quotidien berlinois “Tagesspiegel” mardi (“Centre Preussen”) est une référence bien sûr au Centre Pompidou à Paris. Mais il s’agit en l’occurence du forum Humboldt (voir photo) qui a ouvert ses portes mardi en plein coeur de la ville. Le bâtiment a été construit sur le site de l’ancien château des rois de Prusse dynamité après la guerre par le régime communiste de la RDA car synonyme d’un passé honni. A sa place fut édifié dans les années 70 le Palais de la République, un bâtiment multifonctionnel qui abritait le parlement est-allemand mais aussi plusieurs lieux culturels et autres restaurants et cafés prisés de la population.
© Stiftung Humboldt Forum im Berliner Schloss / Foto: Alexander Schippel
Le Palais de la république après avoir été désamianté fut détruit. Un vote du Bundestag a acté la reconstruction de trois des façades de l’ancien château; la quatrième donnant sur la rivière Spree est moderne comme le montre la photo. Cette décision a donné lieu à des débats homériques entre les défenseurs du Palais de la République, à l’Est avant tout, ceux qui favorisaient une reconstruction du siège des Hohenzollern, et un troisième groupe partisan d’un édifice contemporain. La version Disneyland l’a donc emportée.
Après de longues polémiques sur l’architecture, il a fallu réfléchir au contenu du nouveau bâtiment. Aujourd’hui, il abrite des organisations et des projets divers. L’idée phare a avant tout été de ramener au centre de la ville les collections non européennes qui depuis la division de Berlin se morfondaient dans des musées poussiéreux dans un quartier excentré boudé par les touristes. Sur l’île au musées qui abrite les collections d’art les plus prestigieuses de l’Antiquité au XIXème siècle, ce déménagement devait permettre à des oeuvres d’autres continents d’entrer au Panthéon muséal berlinois.
Mais le projet a été rattrapé par le passé colonial de l’Allemagne qui il y a quelques années encore était absent des débats publics. Les choses ont changé avec les discussions autour de la restitution d’oeuvres mal acquises. L’ancien château des Hohenzollern était le lieu d’où les empereurs allemands ont géré les colonies de leur pays des années 1880 à 1918, période durant laquelle le génocide des Hereros et des Namas fut commis dans l’actuelle Namibie. La pression n’a cessé de monter à l’égard des responsables des collections berlinoises et du forum Humboldt. L’Allemagne a décidé ce printemps de restituer les fameux bronzes du Bénin qui devaient figurer au centre de la collection d’art non européen du forum. L’ouverture de ce département n’est prévue que dans quelques mois. On ignore encore ce qui y sera présenté.
“La jeune fille”
J’avais mentionné dans une précédente édition de cette lettre d’information la biographie de la chancelière de Marion Van Renterghem “C’était Merkel”. Marie-Christine Giordano (le livre est en français contrairement à ce que son titre pourrait laisser penser) a, elle, opté pour une série d’essais très personnels où l’autrice entremêle différentes étapes de la vie d’Angela Merkel, scénarisées, auxquelles s’ajoutent ses propres réflexions. Les deux ouvrages se complètent.
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