Aux armes, Germains !
C’est un tournant. Un autre. Après le discours d’Olaf Scholz en février annonçant un fonds de 100 milliards pour renforcer les moyens de l’armée allemande, Berlin a mis fin mardi à sa retenue sur des livraisons d’armes lourdes à l’Ukraine. Lors d’une rencontre sur la base américaine de Ramstein, organisée par les Etats-Unis pour coordonner l’aide militaire internationale à Kiev, la ministre de la Défense Christine Lambrecht a annoncé que son pays était favorable à la livraison d’environ cinquante chars Guépard à l’Ukraine. Ces véhicules blindés spécialisés dans la défense anti-aérienne qui ne sont plus utilisés par la Bundeswehr ont été rétrocédés au fabricant Krauss-Maffei Wegmann (KMW). Ces chars doivent encore être remis en état et une formation des soldats ukrainiens sera nécessaire. Par ailleurs, un autre fabricant d’armes, Rheinmetall, a déposé deux demandes pour livrer d’autres types de chars et véhicules blindés à l’Ukraine, des Marder et des Léopard. Une décision du gouvernement doit être prise “rapidement”.
Dans le quotidien “Tagesspiegel”, le caricaturiste Klaus Stuttmann ironisait sur les “bonnes affaires” des sociétés d’armement allemand défilant des drapeaux russes à la main pour remercier Poutine.
Jeudi, le Bundestag a adopté à une très large majorité une loi soutenant les livraisons d’armes lourdes à l’Ukraine. La coalition au pouvoir alliant les sociaux-démocrates, les libéraux et les Verts a adopté ce texte ainsi que les chrétiens-démocrates.
Malgré les nombreuses critiques à l’étranger et en Allemagne contre un gouvernement allemand qui trainerait les pieds, il n’en reste pas moins qu’on assiste à un changement de logiciel qui demande du temps, plus particulièrement dans un parti social-démocrate marqué par un profond pacifisme, surtout chez les responsables plus âgés marqués par l’idée que l’Allemagne doit entretenir des relations équilibrées avec la Russie.
L’évolution chez les Verts, fortement imprégnéss par le pacifisme dans le passé, est spectaculaire. Les sondages montrent que leur sympathisants sont les plus favorables à un soutien militaire en faveur de l’Ukraine. La nouvelle une du magazine “Der Spiegel” est consacrée aux “Verts olive” qui font la paix avec plus d’armes.
La semaine dernière, c’est Olaf Scholz et son positionnement sur l’Ukraine qui faisait la une du même magazine. Le chancelier avait donné une interview au “Spiegel” qui titrait “De quoi avez-vous peur, monsieur Scholz ?”
Le chef de l’opposition Friedrich Merz, a également accusé Olaf Scholz d’avoir peur. L’annonce de la visite du président de la CDU à Kiev est perçue au SPD comme un affront fait au chancelier qui, contrairement à d’autres responsables européens, ne s’est pas encore rendu en Ukraine. 54% des Allemands ne sont pas satisfaits de l’action du chancelier dans un sondage paru dans “Bild am Sonntag”, un record depuis l’entrée en fonction d’Olaf Scholz. Les ministres verts Robert Habeck (Economie et Climat) et Annalena Baerbock (Affaires étrangères) restent, en revanche, les chouchous des Allemands.
Les débats se poursuivent intensément sur la responsabilité des sociaux-démocrates et des conservateurs qui auraient accumulé les erreurs dans le passé dans leur politique à l’égard de la Russie. Le SPD a été l’objet de nombreuses attaques à commencer par l’ancien chancelier Schröder qui il y a une semaine dans une première interview depuis le début de la guerre en Ukraine refusait tout mea culpa. Différentes sections du SPD ont demandé son exclusion du parti. La co-présidente du mouvement ne veut plus l’exclure. Le ministre des Finances libéral Christian Lindner a estimé que les financements publics dont dispose Schröder comme ancien chancelier (bureau, personnel) devraient être supprimés. Une proposition légalement problématique.
Gerhard Schröder, le lobbyiste de Gazprom, un portrait de son pote Poutine sur son bureau déclare “Le mea culpa, ça n’est pas mon truc”. La vieille dame, le SPD, prisonnière crie : “Je veux sortir”
La ministre-présidente du Mecklembourg Pomméranie occidentale, la sociale-démocrate Manuela Schwesig, est aussi l’objet d’un feu roulant en raison du soutien fervent de sa région en faveur du gazoduc Nord Stream 2 (dont le terminus allemands se trouve dans ce Land) et en général pour de bonnes relations avec les responsables russes. Le secrétaire général de la CDU estime ce dimanche : “Une ministre-présidente qui se laisse manipuler par un Etat étranger doit démissionner”.
Thomas Kutschaty, candidat social-démocrate en Rhénanie du Nord Westphalie, la plus grande région allemande où l’on vote dans deux semaines, affirme dans une interview ce dimanche : “Certains veulent faire croire que le SPD est seul responsable des erreurs de la politique russe des dernières années. ça n’est pas le cas. Ce pays a été dirigé durant seize ans par une chancelière chrétienne-démocrate”.
Sur la responsabilité de Merkel, je vous renvoie au Podkast de ma collègue Hélène Kohl “Et si Angela Merkel s’était trompée ?”
A propos de Merkel, une exposition de photos lui est conscréé depuis vendredi au musée de l’histoire allemande à Berlin. La photographe Herlinde Koelbl a accompagné avec son objectif la responsable politique durant trente ans, depuis les débuts en politique d’Angela Merkel après la réunification jusqu’à son départ du pouvoir l’an dernier.
Emmanuel II vu d’Allemagne
Le dessin ci-dessous résume bien les réactions en Allemagne après la réélection d’Emmanuel Macron. Le soulagement l’emporte mais beaucoup de commentaires soulignent le défi que le nouveau président devra relever pour ressouder un pays divisé. Dans la caricature de Heiko Sakurai, on voit la maison France/Frankreich coupée en deux et séparée par un profond fossé. Asterix qui porte avec Obelix Macronix fait remarquer à celui-ci : “Voilà chef, vous avez cinq ans pour reboucher tout ça !”
Mais malgré le soulagement ambiant, d’aucuns ne perdent pas de temps pour prévenir des risques d’une réélection d’Emmanuel Macron. Le quotidien populaire “Bild” ci-dessous ressort ses vieilles rancoeurs rappelant ses titres humiliants sur les Grecs en faillite il y a quelques années. Le journal s’interroge : “Macron est réélu, les problèmes demeurent. Que va nous coûter la montagne de dettes de la France ?”
Comprenez : Macron veut plus de dettes communes en Europe donc l’Allemagne paiera ! Un article qui rappelle la une du magazine “Der Spiegel” juste après l’élection de Macron en mai 2017. “Emmanuel Macron sauve l’Europe… et l’Allemagne va payer. Un cher ami”
Les Français vivant en Allemagne (voir le gazouillis de l’ambassade de France ci-dessous) ont massivement voté pour Emmanuel Macron qui obtient plus de 93% des suffrages exprimés.
Trombinoscope
-le parti de gauche Die Linke en pleine crise a perdu une de ses deux co-présidentes Susanne Hennig-Wellsow suite à une affaire me too qui a secoué la fédération de Hesse. L’autre co-présidente, pourtant originaire de cette région, reste seule à la tête du parti jusqu’au prochain congrès qui doit renouveler les instances dirigeantes du mouvement.
-nouvelle ministre de la Famille, des Seniors, des Femmes et de la Jeunesse : l’écologiste Lisa Paus (deuxième en partant de la droite) succède à sa collègue Anne Spiegel démissionnaire après des révélations sur sa gestion l’an dernier des inondations dans l’Ouest de l’Allemagne lorsqu’elle était ministre de l’Environnement en Rhénanie Palatinat.
-nouvelle ministre-présidente en Sarre: la sociale-démocrate Anke Rehlinger a été élue cette semaine sans surprise à la tête de cette région à la frontière avec la France. Son parti y avait obtenu la majorité absolue en mars mettant fin à la grande coalition qui associait le SPD et la CDU sous la direction du chrétien-démocrate Tobias Hans.
-élection le 8 mai au Schleswig-Holstein: une large victoire de la CDU avec un score sensiblement meilleur qu’en 2017 s’annonce. La popularité du ministre-président chrétien-démocrate Daniel Günther n’y est pas étrangère. Ce conservateur modéré gouverne actuellement une coalition “Jamaïque” avec les Verts et les libéraux. Il pourrait ne plus avoir besoin que d’un seul partenaire dimanche prochain.
Les seins de la colère
La ville de Göttingen autorise à partir d’aujourd’hui les femmes à fréquenter les piscines publiques le week-end les seins nus si elles le souhaitent. La décision a été prise après qu’une personne l’été dernier avait été renvoyée d’une piscine faute de soutien-gorge alors qu’elle ne se définissait pas comme une femme.
A Berlin, une architecte française va saisir la justice pour une affaire similaire. Elle souhaite obtenir le même traitement que les hommes. La nouvelle loi anti-discriminatoire de la ville de Berlin pourrait lui permettre d’obtenir gain de cause.
Hommage aux lesbiennes au camp de concentration pour femmes de Ravensbrück
La question a divisé durant des années les historiens et le monde queer : les femmes lesbiennes déportées devaient-elles être reconnues en tant que victimes de la répression nazie en raison de leur sexualité ? La fondation qui gère les anciens camps nazis dans le Brandebourg s’y est opposé durant des années estimant que le droit pénal du Troisième Reich criminalisait uniquement les hommes homosexuels persécutés, emprisonnés et le cas échéant déportés, mais pas les lesbiennes. Un rapport de spécialistes remis l’an dernier concluait qu’il y avait eu au sein du camp de Ravensbrück comme à l’extérieur une persécution contre des femmes lesbiennes. Un mémorial leur rendant hommage a été approuvé. La cérémonie sur place commémorant l’anniversaire de la libération du camp de concentration pour femmes au Nord de Berlin a lieu ce dimanche.
Boris Becker en prison
Il était autrefois derrière les filets, il sera désormais derrière les barreaux. L’ex-star du tennis mondial a été condamné vendredi à deux ans et demi de prison ferme par un tribunal britannique pour des infractions financières liées à sa faillite personnelle. Celui qui avait conquis très jeune une popularité hors du commun en Allemagne et au-delà n’a pas su vraiment géré sa carrière ultérieure secouée par de nombreux scandales financiers et privés.
Fête de la bière, le retour
Les amateurs ont été assoiffés durant deux ans. Covid oblige, l’Oktoberfest a été annulée en 2020 et 2021. Le maire de Munich l’a annoncé vendredi : l’édition 2022, la 187ème, doit avoir lieu sans restrictions.
Si vous ne pouvez pas patienter jusqu’en septembre, je vous mets une compilation de musiques prisées sur place. Prosit ! compilation
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